Micro Finance Islamique : Un outil efficace contre la précarité

La semaine de la solidarité nationale bat son plein. Après les petits métiers, place maintenant à la Micro Finance Islamique. Un outil qui s’avère particulièrement efficace parmi les solutions préconisées dans la lutte contre la précarité. C’était l’objet de l’atelier d’information et de sensibilisation organisé par le Secrétariat d’Etat chargé de la Solidarité National en partenariat avec la Banque Centrale de Djibouti au Sheraton.
Il y’a peu encore, la pauvreté ou l’extrême précarité étaient considérées comme des fatalités dans les pays les moins avancés. Une image alarmiste qui n’a plus cours aujourd’hui puisque la lutte contre cette hydre tentaculaire fait partie des thématiques chères aux gouvernements. Il faut dire que le progrès social est à ce prix.
En République de Djibouti, elle se veut le sens même du partage équitable des fruits de la croissance.
Le rappel valait le détour, d’autant qu’il a pris du sens avec l’entrée en matière du représentant de la Banque Centrale de Djibouti, Malik Mohamed Garad, chef du service de la supervision bancaire.
Le haut responsable a indiqué que notre pays a connu une vague massive de banques qui ont afflué et dont certaines étaient de type islamique.
Un phénomène qui s’est accentué surtout depuis 2006.
Dans un effort d’accompagnement pour ces nouvelles institutions financières, la Banque Centrale de Djibouti a été amenée à reconsidérer le cadre légal en vigueur dans le secteur, a-t-il expliqué.
C’est lors de cette réforme du code en vigueur que la micro finance, dont celle dite islamique, a pris pied dans le paysage financier local a conclu M. Garad avant de laisser le soin à son collègue, M. Mohamed Robert Carton, de faire toute la lumière sur les dispositions de la nouvelle réglementation.
…Le cadre réglementaire de la micro finance islamique.
A travers un exposé très détaillé, M. Mohamed Robert, a souligné que le premier texte de loi en matière de finance islamique datait de Janvier 2011 et ce du fait de l’arrivée assez récente de ce type d’activité.
En ce sens, a-t-il précisé, la micro finance islamique ne disposait pas de cadre légal spécifique à ce jour.
Ce qui a poussé la Banque Centrale de Djibouti à adopter un ensemble de dispositifs réglementaire afin d’encadrer la finance islamique et compléter le texte de loi en vigueur.
Le cadre de la BCD a donc mentionné les lois en matière de micro finance conventionnelle avant d’aborder le cas des coopératives financières.
En somme, il a défini les institutions de micro finance comme des personnes morales disposant d’un agrément délivré par la BCD pour exercer cette activité.
Organisations de types associatifs, agences, fonds souverains, ou sociétés de capitaux légalement constituées peuvent prétendre à ce type d’agrément, a-t-il développé.
La BCD est l’organe de tutelle qui exerce le contrôle et la supervision des comptes de ces institutions, a-t-il ensuite étayé.
Enfin, les dispositions de la loi sur les coopératives financières ont été longuement revisitées.
Retenons principalement qu’au regard de la loi, celle-ci sont des groupements physiques ou morales, doté de la personnalité morale, sans but lucratif et à capital variable.
…Le cas concret de la banque islamique Saba.
La finance islamique a bien un visage dans notre pays.
Le plus emblématique en est à maints égards la banque Saba dont un délégué a fait le tour des grands principes inscrits à son mode de fonctionnement, et ses principales activités.
Après une brève présentation de sa maison mère, le banquier est revenu sur les différents projets et les activités que son institution mettait en œuvre.
Il a notamment indiqué la construction d’appartement de type HLM dans la cité du Héron ou la construction d’un siège social pour sa société.
Ensuite, il s’est lancé dans une démarche d’explication de la Finance Islamique qui, a-t-il dit, contrairement aux banques classiques qui pratiquent des méthodes spéculatives et proposent des prises d’intérêts pour rémunérer leurs prêts, les banques islamiques ont recours à d’autres leviers pour se faire rémunérer.
On distingue essentiellement, la Moucharaka, participation aux bénéfices, la Mourabaha, un contrat de vente avec marge bénéficiaire, la Moudaraba, forme d’association entre un financier et un promoteur qui mettent en commun l’un les fonds nécessaires et l’autre le savoir-faire et le labeur, le Istisnae, qui est plutôt un contrat de sous-traitance où le financier s’engage à financer la production d’un bien ou d’un service dont le prix de vente sera payé à terme par le promoteur.
Ce système est très en vogue de nos jours, s’est-il félicité, en précisant qu’il avait gagné même des pays de l’hémisphère Nord comme l’Europe et les Etats Unis.
Certaines banques de renommée mondiale comme HSBC le pratiquent désormais, a-t-il réaffirmé.
…La micro finance islamique, un levier stratégique pour combattre la pauvreté…
C’était ensuite au tour du directeur général de l’ADDS, Mahdi Mohamed Djama, qui a fait une présentation complète sur les différences et les points communs entre la finance islamique et la finance classique.
De prime abord, le haut fonctionnaire a tenté de définir la Micro finance Islamique qui est, a-t-il déclaré, précisément un financement sans intérêts et sans profits conformément à la Charia et qui est basé sur la participation.
Elle est fondée sur cinq principes dont les interdictions de prise d’intérêt, de l’incertitude liés aux spéculations et des actifs illicites comme l’alcool, les jeux de hasards ou le tabac, tous prohibés par la CHARIA.
Elle repose sur le partage des pertes et profits, et l’existence d’un actif sous-jacent. Du point de vue des différences fondamentales, l’intervenant en a distingué quelques-unes. Il a mis en avant des points clés comme la primauté de la CHARIA en matière de finance islamique qui doit en principe éviter toute prise d’intérêt et ne doit financer tout type de besoin. Elle n’exige aucune garantie en revanche et se consacre exclusivement aux besoins vitaux du pays. De même, elle est tenue de fournir assistance et accompagnement au promoteur.
Son autre spécificité demeure le soutien qu’elle apporte aux besoins prioritaires du pays.
A l’opposé, a expliqué le haut responsable, la finance classique est basée sur l’intérêt, et ne se soucie guère de l’accompagnement de l’emprunteur du moment qu’il apporte des garanties fiables et qu’il est en mesure de rembourser ses dettes à terme échu.
…Un projet pilote de finance islamique à Balbala…
De son côté, Mohamed Ahmed Amin, gérant de l’unité pilote du projet de micro finance islamique est revenu sur le travail de son unité.
Dans cette optique, il a développé les structures, les missions et l’organisation de son unité.
Il a par la suite détaillé les conditions d’éligibilité pour prétendre à un prêt dans le cadre du projet pilote de micro finance islamique.
Zone d’habitation, âge et profil du projet proposé et adéquation entre le projet et le promoteur, sont les conditions exigées pour obtenir un prêt pour développer un micro projet ou une Activité Génératrice de Revenus, a-t-il dit.
Le mode de financement retenu pour ce crédit est bien le Mourabaha, vente avec marge bénéficiaire, a-t-il prévenu.
Sur les 241 promoteurs qui se sont portés volontaires pour demander des prêts, une centaine de dossiers sont à l’étude auprès des comités de validation des crédits, a expliqué le gérant.
Les différents projets dont les financements sont sollicités sont principalement des boutiques et épiceries, des restaurants et des petits commerces, a-t-il conclu.
…Un plan d’action national pour la micro finance islamique…
C’est alors qu’après ces explications très utiles, le Directeur Général de l’ADDS, a donné les détails du Plan d’Action National pour la Micro Finance Islamique qui doit soutenir la lutte contre la pauvreté.
Notre pays a obtenu une ligne de crédit de 1 million de Dollars Américains octroyé par la Banque Islamique de Développement dans le cadre du PREPUB (projet de réduction de la pauvreté urbaine à Balbala), a-t-il lancé.
Dans ce cadre, cinq quartiers vulnérables de Balbala ont été identifiés et doivent bénéficier du projet, a-t-il ajouté.
Il s’agit de Bahache, Quarawil, Quartier 5, Cité cheikh Moussa et la Cité Cheikh Osman.
L’ADDS qui gère le projet a ouvert un bureau dans les locaux du cinquième arrondissement de Balbala.
Selon Mahdi Mohamed Djama, trois secteurs d’activités sont spécialement visés par le projet dont en l’occurrence les secteurs de la survie, les Activités Génératrices de Revenus, et les activités de sous traitance.
Toujours selon cette source crédible, près de 241 promoteurs ont été recensés dont une centaine ont déposé des dossiers de prêts.
Un plan d’action élaboré en la matière doit soutenir et développer ce projet de micro finance islamique.
Celui-ci est axé sur une vingtaine de points dont on peut retenir essentiellement la réussite du projet pilote de Balbala en vue de son extension vers d’autres quartiers pauvres de Djibouti, l’assistance à la création et à la réalisation d’Activités Génératrices de Revenus et enfin la sensibilisation des autorités locales et des populations cible sur la micro finance islamique comme un outil de lutte contre la pauvreté.
Après les explications et les démonstrations des experts, place au débat avec le public.
Ce dernier s’est montré très à la page en rebondissant sur certains aspects, ou en relançant les présentateurs sur des zones peu claires à leurs sens.
Ces échanges ont permis de soulever des questions utiles et ont suscité des réflexions très pertinentes pour réussir ces avants projets et espérer voir la micro finance islamique prospérer sous nos cieux.