Face à des défis environnementaux croissants, la région de Dikhil vient de franchir une étape majeure. Le 30 juin, sous l’égide du Conseil Régional et de la Préfecture, la ville a officiellement lancé l’Agence de la Voirie de Dikhil (AVD). Cette nouvelle structure publique marque un tournant stratégique dans la gestion des déchets, l’amélioration du cadre de vie et la gouvernance participative.
La cérémonie inaugurale, organisée dans le hall du Conseil Régional, a rassemblé un large éventail de décideurs et de partenaires institutionnels : le préfet de la région, le président du Conseil régional, les secrétaires généraux des ministères de l’Environnement et de la Décentralisation, le directeur général de l’ADDS, le président du Conseil régional d’Ali-Sabieh et le conseiller principal auprès de la ministre des Affaires Sociales et des Solidarités. Plusieurs bailleurs et partenaires techniques étaient également présents, parmi eux : l’AFD, la Sovereign Carbon Agency, l’Union Européenne, l’OIM, ainsi que le président de l’association Éveil d’Okar.
Mais ce sont surtout les femmes des Groupements d’Entraide par Affinité (GEA) qui ont incarné l’âme de cette journée. Remises de tricycles motorisés flambant neufs, elles s’apprêtaient à entamer dès le lendemain la première collecte domestique quotidienne de déchets.
Une réponse structurée à une urgence locale
La région de Dikhil est confrontée à une urbanisation rapide, à une croissance démographique soutenue et à l’évolution des modes de consommation. Ces facteurs ont entraîné une explosion des volumes de déchets, notamment plastiques, dans un contexte de moyens limités. La création de l’AVD répond à ce déséquilibre par un dispositif institutionnel pensé pour structurer durablement les politiques de gestion des déchets à l’échelle territoriale.
Une innovation sociale portée par les femmes
Ce projet se distingue par l’intégration d’un modèle inédit : les GEA, collectifs féminins initiés et encadrés par l’ADDS. Déjà actives dans la lutte contre la précarité, ces femmes trouvent ici une nouvelle vocation : actrices de la salubrité urbaine.
Organisées par zones, elles assurent la collecte régulière des ordures ménagères avec des tricycles motorisés, les acheminent vers des dépôts intermédiaires, et participent à des actions de sensibilisation écologique auprès des ménages.
Au-delà de l’opérationnel, cette approche promeut un modèle de développement local fondé sur l’autonomisation, la proximité et l’inclusion. L’ADDS, en apportant un appui technique et social structurant, a veillé à impliquer directement les communautés et à valoriser les compétences locales. À cette occasion, un important lot de matériel de nettoyage (brouettes, balais, gants, pelles, chariots) a été distribué aux GEA — symbole fort d’un engagement collectif désormais enraciné dans le quotidien.
Les discours prononcés ont unanimement salué cette initiative porteuse de transformation. Tous ont appelé à capitaliser sur cette dynamique pour faire de Dikhil un territoire pilote au niveau national. Pour l’ADDS, il s’agit là d’un exemple concret de son rôle moteur dans le développement social et durable.
Une agence structurée, une mission élargie
Sur le plan institutionnel, l’AVD dispose d’un statut autonome tout en étant rattachée au Conseil régional. Créée par arrêté officiel, elle s’organise autour de trois pôles fonctionnels :
- La collecte et l’évacuation des déchets
- Le recouvrement et la gestion financière
- La maintenance technique des équipements et des infrastructures
Son mandat va bien au-delà de la collecte ménagère. L’agence est également chargée du nettoyage des rues, de l’embellissement de la ville, de la création et de l’entretien d’espaces verts, ainsi que de la signalisation routière.
Elle est d’ores et déjà équipée pour remplir ces missions avec :
- 3 camions à ordures
- 9 bennes
- 12 tricycles motorisés
- 6 conteneurs adaptés
- Du matériel léger : brouettes, gants, sacs biodégradables, etc.
Une stratégie de collecte différenciée et adaptée
Le dispositif mis en œuvre repose sur une logique en deux volets :
• Les ménages : regroupés par zone, desservis par les GEA, selon une organisation territoriale en six secteurs dotés de dépôts intermédiaires.
• Les commerçants, services publics et entreprises privées : pris en charge par une benne à ordures fournie dans le cadre du programme ADIL (coopération avec la Charente-Maritime), avec un système de redevance mensuelle.
Cette stratégie permet à la fois d’optimiser les circuits de collecte, d’impliquer les populations, et d’assurer la soutenabilité économique du modèle.
Un levier d’inclusion et de transformation urbaine
Les retombées du projet sont déjà visibles : propreté accrue dans les quartiers, mobilisation sociale, création d’emplois pour les jeunes et les femmes. Les autorités locales, la société civile, les partenaires techniques et les habitants eux-mêmes reconnaissent les bienfaits immédiats de cette nouvelle organisation.
Pour le secteur de la santé, cela se traduit par une réduction des risques liés aux maladies environnementales. Pour l’économie locale, c’est un cadre plus sain et plus attractif. Et pour les citoyens, c’est l’émergence d’une gouvernance plus proche et plus participative.
Une vision durable et mesurable
Parmi les résultats attendus :
- L’opérationnalisation complète de l’agence
- La mise en œuvre d’un système intégré de gestion
- Le respect des normes environnementales
- La production régulière de rapports de suivi
- L’adoption d’un modèle de financement pérenne par tarification progressive.
La durabilité du projet repose ainsi sur un équilibre entre performance technique, participation communautaire et viabilité financière.
Une coopération multi-acteurs exemplaire
Ce succès collectif est le fruit d’un partenariat large et cohérent : Conseil Régional, Préfecture, ministères, ADDS, AFD, Union Européenne, OIM, SGTD, Association Éveil d’Okar…
Tous ont conjugué leurs efforts pour faire émerger un outil opérationnel, piloté localement mais soutenu par des expertises nationales et internationales.
Dikhil, précurseur d’un modèle exportable ?
Dans un contexte africain où les défis urbains et environnementaux s’intensifient, l’expérience de Dikhil démontre qu’il est possible de bâtir des solutions durables à partir d’initiatives locales. Ce projet incarne un nouveau pacte entre gouvernance territoriale, engagement citoyen et innovation sociale.
Le chemin parcouru est déjà porteur d’enseignements. Celui à venir, s’il reste exigeant, ouvre la voie à une transformation écologique inscrite dans la durée — et potentiellement, reproductible ailleurs.