ALI ADDEH, 18 juillet 2025 (ADI) – Dans le silence d’un après-midi poussiéreux à Ali Addeh, petite localité de la région d’Ali-Sabieh, au sud du pays, Mariam arrange minutieusement des paniers tressés à l’entrée de sa boutique. Il y a encore quelques années, cette mère de famille se démenait dans l’ombre, au sens propre comme au figuré.
« Avant, notre village avait peu d’électricité. La nuit, on ne voyait rien. C’était dangereux, surtout quand une femme accouchait », raconte-t-elle, assise sur un tabouret en plastique bleu, le regard franc.
La transformation s’est opérée grâce au Projet de réponse du développement aux impacts du déplacement (DRDIP), une initiative régionale lancée en 2017 et clôturée en juin 2024. Financé par la Banque mondiale et mis en œuvre à Djibouti en partenariat avec l’Agence djiboutienne de développement social (ADDS), ce programme ciblait les populations affectées par les déplacements forcés, dans les régions mal desservies.
A Ali Addeh, la capacité de la centrale solaire a été renforcée, passant de 62 à 340 kW, ce qui a permis de raccorder 354 foyers. Les infrastructures sanitaires ont été modernisées, une nouvelle école secondaire a vu le jour et le réseau d’eau potable a été élargi.
A l’échelle du pays, plus de 110 000 personnes ont bénéficié d’un meilleur accès aux services essentiels. Environ 54 000 ont désormais accès à une énergie renouvelable.
Le projet DRDIP a également permis la création de près de 52 000 journées de travail à court terme, et près de 5 600 personnes ont déclaré une hausse de leurs revenus, notamment grâce à des subventions, des kits agricoles et des formations.
Mariam, elle, s’est lancée dans la vente de vêtements, aidée par un Groupement d’Entraide par Affinités (GEA), un collectif féminin d’épargne et de crédit où chaque membre cotise 200 francs djiboutiens par semaine. Rapidement, elle a ouvert sa propre boutique d’artisanat. « J’ai démarré quand mon mari est tombé malade. Aujourd’hui, je gagne jusqu’à 100 000 DJF par jour », affirme-t-elle fièrement.
A Holl Holl, Fatoumat Assoweh Warsame, 64 ans, a suivi un parcours parallèle. Veuve depuis 2005, elle a longtemps cultivé la terre à perte, grevée par le coût du diesel pour irriguer ses champs. L’installation d’une pompe solaire par le DRDIP a changé la donne. Elle cultive aujourd’hui des pastèques, des tomates, des goyaves, et a ouvert un petit magasin pour écouler sa production.
« Le diesel grugeait mes revenus. La pompe solaire a tout changé », confie-t-elle. « Et faire partie d’un groupe de femmes agricoles m’a aidée à rêver plus grand. »
Ce sont justement ces réseaux féminins – d’entraide, de production, de commerce – qui forment aujourd’hui la trame invisible d’une ruralité en transformation. A Ali Addeh, Mariam a ouvert deux autres boutiques, la dernière étant tenue par sa fille. Elle écoule désormais ses produits artisanaux jusqu’à la capitale lors des fêtes nationales, avec l’ambition d’ouvrir un point de vente permanent à Djibouti-ville.
« On a une culture riche ici, pleine de couleurs et de savoir-faire. Je veux que les autres la découvrent. Un jour peut-être, je vendrai à l’étranger », dit-elle en souriant.
Derrière ces trajectoires personnelles, c’est toute une dynamique collective qui prend forme. Celle d’un développement rural ancré dans l’autonomisation des femmes, la transition énergétique et la valorisation des ressources locales.
Dans un pays comme le nôtre, souvent secoué par les aléas climatiques et les pressions migratoires, ces histoires de réussite offrent un contrepoint lumineux – celui d’un changement porté, patiemment, par les femmes de l’ombre.
Source :ADI