En marge de l’atelier de formation en urbanisme et aménagement du territoire, les formateurs nous ont livré leurs points de vue et quelques explications sur les aspects techniques et les tenants et aboutissants de cette formation. Florilège.
La Nation : M. François Laurent vous êtes urbaniste et président d’URBAPLAN. Pouvez-vous nous dire ce qui a fait la spécificité de cette formation ?
François Laurent : Cette formation regroupe 25 cadres provenant d’horizons très divers : Ministère chargé de l’urbanisation, Ministère chargé des transports, Collectivités locales, ADDS, gestionnaires des services urbains et société civile. Au travers de ces sept jours de formation, des acteurs évoluant de manière très cloisonnée ont pris l’habitude d’échanger, de confronter leurs points de vue et de dialoguer. C’est une grande force, car je suis persuadé qu’à la fin de cette formation, les participants se connaissent mieux, partagent de plus grandes complicités professionnelles et forment une communauté de destin. Elle a également le mérite de démontrer, au travers d’exemples concrets, que les enjeux de planification urbaine sont très étroitement liés à ceux de la mobilité urbaine. En visitant les réalisations faites à Balbala sur financement de l’AFD, il a été possible de confronter des recommandations théoriques aux réalités du terrain.
Pensez-vous que cette formation sera utile pour les participants ?
Cette formation se donnait comme ambition de brouiller certaines des certitudes qui habitaient les participants. Elle a remplacé ces certitudes par une manière de raisonner, d’identifier et d’analyser les enjeux urbains, puis de poser des priorités. Aujourd’hui, répondre aux défis de demain consiste à apporter des réponses aux besoins de la majorité des citadins, c’est à dire les couches les moins favorisées. Cela requiert des solutions simples et évolutives comme accéder à des parcelles au sein de trames viabilisées et non pas par l’accès à des logements clés en main (ambition dont les Autorités n’auraient pas les moyens financiers). Par ailleurs, l’organisateur de cet événement, le CEFEB (université d’entreprise de l’AFD basée à Marseille), cherche toujours à articuler les apports théoriques avec des cas pratiques. A titre d’exemple, les participants ont pu échanger avec l’ancien Directeur général de l’ARRU, structure parapublique tunisienne qui intervient depuis des décennies dans la restructuration des quartiers précaires. Ils ont donc pu entendre les enseignements d’un professionnel qui s’est retrouvé dans la même situation qu’eux, à savoir confronté à l’urgence imposée par les Politiques, à la modestie des ressources et à l’incivisme de certaines franges de la population. Ces échanges sont très enrichissants et ont une portée beaucoup plus forte que les simples apports théoriques.
Selon vous, quels sont les enjeux auxquels doivent faire face les autorités en matière de planification urbaine ?
L’agglomération de Djibouti se trouve à un moment charnière. Il s’agit de maximiser ses potentialités tout en minimisant ses contraintes objectives. Des décisions fortes doivent être prises immédiatement pour ne pas prétériter les conditions de vie futures des citadins de la capitale. A titre d’exemple, il est impératif de se donner les moyens de prévenir la formation de nouveaux quartiers informels, notamment en mettant sur le marché une offre de parcelles sommairement viabilisées destinées aux couches les plus défavorisées. En termes de mobilité, les flux de déplacement qui devront être gérés dans une vingtaine d’années seront probablement quatre fois supérieurs à aujourd’hui. Il est donc impératif de se mettre dans l’anticipation plutôt que de se limiter à des actions curatives.
Quelles sont les recommandations opérationnelles que vous adresseriez aux Autorités djiboutiennes ?
Il est indispensable que les Autorités s’inscrivent dans la durée. Les défis sont énormes et ne se résoudront pas du jour au lendemain. Elles doivent dépasser les « logiques projets » et se doter de vraies politiques, crédibles et priorisées dans le temps. Elles doivent donc admettre que le temps du travail technique (réalisation des études et des travaux) ne peut se marier avec les urgences de la vie politique quotidienne. Elles doivent prendre de la hauteur et se fixer des caps sur le moyen terme.
Quelles sont les recommandations opérationnelles que vous adresseriez aux participants ?
La somme des intérêts individuels ne fait pas l’intérêt collectif. Chaque acteur de la ville, à son niveau spécifique, doit avoir l’ambition de servir l’intérêt général. Désormais, j’espère que nos vingt-cinq participants seront davantage conscients de cette obligation morale.